Un blog créé à l'occasion de la sortie de mon livre Banlieues, insurrection ou ras le bol, pour discuter de ce qui s'est passé en novembre 2005

25 mars 2006

Violences ou la puissance du négatif

La télévision nous a, hier, montré le visage défait d'un chercheur à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, absolument abasourdi par la violence des jeunes gens qui ont occupé l'établissement dans lequel il travaille tous les jours. Phiolosophe de formation, et sembel-t-il de métier, ce chercheur était totalement désemparé devant une expression réelle du nihilisme qu'il fréquente professionnellement dans les livres.
Il y avait pourtant là une illustration de la puissance du négatif, de ce néant, de ce "pur néant" dont parle Hegel au début de la Science de la logique : "Néant, le pur néant : c'est la simple égalité avec soi-même, le vide parfait, l'absence de détermination et de contenu ; l'indifférenciation au sein de lui-même. Pour autant qu'il puisse être question içi de contemplation ou de pensée, c'est seulement au point de vue de la différence qu'il y a entre penser quelque chose et penser ou contempler rien…"
Plus loin, Hegel explique que penser rien a une signification puisque nous le ditinguons de penser quelque chose.
On ne sait rien des jeunes gens qui ont occupé l'Ecole des Hautes Etudes. Qui sont-ils? Pourquoi s'être installé dans ce lieu si discret, que personne, sinon des universitaires de haut niveau, ne connaît? L'intrusion de la pensée du rien ou plutôt du rien de la pensée dans le temple de l'intelligence a quelque chose d'aussi radicalement nouveau pour la conscience intellectuelle que l'arrivée des barbares dans Rome. Il ne s'agit pas comme dans les émeutes américaines de piller des magasins, de voler de la nourriture ou des vêtements, pas même de voler des ordinateurs pour les revendre (ce qui aurait, au moins, du sens), mais de détruire le travail de ceux qui font profession de comprendre. Un travail tellement éloigné de ce que connaissent ceux qui ont tout cassé que l'on ne peut pas les soupçonner de la moindre envie (celui qui pille un magasin a envie de ce qui s'y trouve et s'il gaspille, détruit l'essentiel de ce qu'il pille du moins en consomme-t-il une partie).
Violence inquiétante qu'on aimerait pouvoir épingler, qualifier, nommer.

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