Un blog créé à l'occasion de la sortie de mon livre Banlieues, insurrection ou ras le bol, pour discuter de ce qui s'est passé en novembre 2005

25 février 2006

On cause, on cause, on ne fait rien

Je le disais dans un précédent message sur ce blog. Le gouvernement parle, parle, parle, mais ne fait rien pour les banlieues. Sentiment de plus en plus partagé par la presse, par tous ceux qui s'intéressent encore aux banlieues, ils ne sont plus si nombreux, comme si elles s'étaient éloignées de notre horizon, comme si elles avaient soudain disparu…
La vie comme elle va :
- Sarkozy parle d'antisémitisme pour une affaire de droit commun, tout le monde s'emballe, les journalistes, d'abord réticents suivent jusqu'à ce que l'on découvre (demain, un peu plus tard) qu'il n'y avait dans toute cette affaire que de la cruauté banale et de la bétise (reste que pendant tout ce temps là, les gens raisonnables se demanderont : aurait-on fait autant de bruit si la victime avait été noire ou beur?),
- le ministère de l'intérieur poursuit de plus belle les immigrés clandestins comme si nos dirigeants n'avaient pas, eux aussi, des femmes de ménage, des peintres ou des plombiers sans papier, femmes (et hommes) dont ils apprécient au quotidien le sérieux, la volonté de s'en sortir,
- des voix s'élèvent ici ou là pour condamner la politique menée (la mienne, quelques autres), tellement inaudibles, même de nos amis. Nous sommes si peu "sérieux"… 

01 février 2006

Un site

Il n'y a pas tant de sites que cela qui parlent des banlieues et de ce qui s'est passé en 2005. Il y a celui-ci que je vous recommande : A toutes les victimes On y trouve des choses excellentes sur lesquelles je reviendrai rapidement.

Le Parisien libéré, Aujourd'hui

Je lis peu le Parisien Libéré, à preuve, je l'appelle encore de son ancien nom, alors qu'on le vend à Paris sous le titre Aujourd'hui. Ce sont ses reportages sur les banlieues qui m'ont amené à m'intéresser d'un peu plus près à un titre que je sais depuis longtemps de qualité (quoique… abominable mot que ce "quoique", populaire). Mais je dois dire que sa lecture est toujours instructive. Il y avait dans le numéro d'hier que je feuillette une dernière fois avant de le jeter une page consacrée à la nouvelle notation que le ministère de l'Eductation Nationale veut mettre en place. On y trouve plusieurs interviews express de parents qui montrent que les opinions (les leurs et sans doute les notres) sur la notation dépendent moins de ce que nous observons que de ce que nous pensons par ailleurs de ce que devrait être une bonne société. Il y a ceux (comme par hasard deux hommes, un chef d'entreprise et un militaire) qui pensent qu'elle est tout juste assez sévère et ceux qui la trouvent trop dure (des mères et, j'allais dire, naturellement, une psyhologue et une chercheuse au CNRS).

Ce qui ne va pas : l'étrange langueur de nos institutions

Le Parisien poursuit sa série sur les banlieues. Une même impression ressort de tous ces reportages, impression qui conforte ce que l'on voit sur le terrain. Si les maires se mobilisent dans la mesure de leurs moyens (qui pour trouver des locaux pour une entreprise dont les bâtiments ont brûlé, qui pour reloger une école dévastée…), les institutions nationales restent étrangement absentes.
Question : pourquoi la RATP, le ministère de l'intérieur (et quelques autres) ne se mobilisent-ils pas plus pour les banlieues alors même que chacun sait ce qu'elles pourraient faire : créer des commissariats de police là où ils n'existent pas comme à Clichy sous bois, créer de nouvelles lignes d'autobus pour désenclaver les quartiers isolés, proposer des stages aux jeunes de cesquartiers (pas besoin pour cela d'une loi sur la discrimination positive, juste un peu de volonté d'une DRH suffirait)?
Réponse : aucune de ces institutions ne se sent responsable. Ce n'est jamais de leur faute, celle de l'autre, des autres (des maires de gauche, comme disait encore l'autre jour l'ineffable Jean-François Coppé). Ce n'est jamais leur responsabilité, mais toujours celle de quelqu'un d'autre, de l'Etat, des politiques, des entreprises…
En fait, toutes ces institutions sont malades de leur manque d'esprit d'initiative. Elles ne se sentent pas concernées et elles continuent leur train train jusqu'à la prochaine explosion. Il est vrai que tout les pousse à cela :
- les erreurs d'analyse des politiques qui ne les sollicitent pas (et pourquoi le feraient-ils s'ils pensent que les émeutiers sont des voyous. Si ce sont vraiment des voyous, pas besoin de changer quoi que ce soit à ce qui existe, il suffit de les mettre en prison),
- l'inertie de grandes organisations plus occupées à entretenir leur confort, celui des salariés mais aussi, et surtout, celui des directions, du management) qu'à chercher comment mieux assurer leurs missions de service public,
- leur organisation qui ne met personne ne situation de porter, en interne, ces problèmes.
La crise des banlieues met une nouvelle fois en évidence l'étrange langueur de nos institutions. On parle souvent du mal français. C'est aussi cela.