Un blog créé à l'occasion de la sortie de mon livre Banlieues, insurrection ou ras le bol, pour discuter de ce qui s'est passé en novembre 2005

06 novembre 2006

Théorie de la mémoire coloniale

Un nombre croissant d'auteurs expliquent les événements liés aux banlieues par des effets de mémoire :

- Sébastien Roché, spécialiste des questions de délinquance, s'interroge sur le rôle de la mémoire des lutte coloniales dans la surreprésentation des Français d'origine immigrée dans la délinquance : "Il est difficile de déterminer les variables pertinentes. La perception des autorités semble importante. Ceux qui ont une image positive de la police et de leur père acceptent plus facilement les normes de la société. Les voyous raisonnent ainsi : « Mon grand-père était face à l'uniforme en Algérie, mon père s'est retrouvé bêtement à l'usine, je suis, moi, face aux policiers. » Plus les jeunes ressentent l'indifférence des pouvoirs publics, plus ils sont impliqués dans la délinquance. A tort ou à raison, il y a une mémoire collective d'un exercice de l'oppression française." (Le Point, 24/06/04) ;

- Bernard Alidières, un géographe, analyse, cartes en mains, le vote Front National dans certaines communes du Nord par la persistance du souvenir des affrontements en mouvements nationalistes algériens à la fin des années 50 (La guerre d'Algérie en France métropolitaine, souvenirs "oubliés", Hérodote, 1er trimestre 2006. Je présente plus en détail ses thèses dans cette chronique radiophonique) ;

- Pierre Tévanian, de son coté, dénonce la gestion coloniale des quartiers.

D'autres soutiennent des thèses voisines qui laissent malgré tout un peu sceptique même si la question de la mémoire se pose (il n'y a pas de raison que l'histoire coloniale de la France soit écrite d'un seul coté seulement alors que notre pays est aujourd'hui peuplé de gens dont les parents et grands parents étaient des deux cotés). Mon scepticisme vient de ce que l'on peut, comme le montrent ces trois exemples, utiliser la métaphore coloniale à un peu toutes les sauces sans qu'elle soit vraiment convaincante quand on entre dans le détail.

On ne voit pas bien comment la mémoire de la colonisaiton conduirait au refus de l'autorité, refus conduisant à la délinquance, aux attaques contre les personnes
comme le suggère Sébastien Roché.

On ne voit pas bien, non plus, en quoi les comportements actuels de la police dans les quartiers ressemblent à ceux d'une armée coloniale.

Que certains jeunes justifient après coup leurs comportements en faisant référence à l'histoire de la colonisation est une chose. Prendre au sérieux ces justifications en est une autre qui mériterait peut-être quelques précautions.

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