Les émeutes de Villiers le Bel rappellent évidemment celles de novembre 2005. Il y a effectivement un certain nombre de similarités, mais aussi beaucoup de différences. En deux ans, les différents acteurs ont eu le temps d'apprendre, de réfléchir, de se préparer. Tous ne l'ont pas fait également.
La police ne parait pas avoir beaucoup progressé dans la gestion des accidents graves, avec morts de jeunes qui sont à l'origine de la plupart des émeute. Elle n'a pas appris à communiquer avec les familles et la population, à désamorcer la colère naturelle des proches, des camarades, des voisins, de la famille. Elle n'a pas, non, plus, su regagner la confiance de la population de ces quartiers, ce qui devrait être sa première priorité. Elle continue de gérer ces accidents sur le mode du maintien de l'ordre, au risque de faciliter le développement d'une atmosphère de guérilla. Quant à la ministre qui reste 3 heures à Villiers le Bel, elle les passe exclusivement avec les policiers comme si elle n'était pas également la ministre des habitants de cette ville meurtrie.
La police n'a pas non plus, apparemment, et c'est tout aussi inquiétant, amélioré sa connaissance des bandes de jeunes, de leur équipement. On peut traiter après coup de criminels les jeunes qui ont tiré sur la police, mieux aurait valu savoir avant qu'ils étaient armés (le savoir ne consistant pas à affoler les médias avec des déclarations à l'emporte-pièce et des reportages racoleurs, mais à connaître précisément l'état de leur équipement, les caches…).
Le Ministère de l'Intérieur n'a pas, non plus, appris à mieux communiquer à la télévision. Lorsqu'un accident arrive à la RATP ou à la SNCF, ce sont les dirigeants de l'entreprise que l'on voit à la télévision. Quand un accident arrive au Ministère de l'Intérieur, ce sont les syndicalistes qui s'expriment. C'est anormal : les syndicalistes ont, naturellement, tendance à défendre leurs collègues (c'est leur rôle), à insister sur tout ce qui peut aller dans le sens de leur colère. Ils sont plus dans la logique de l'huile sur le feu que pourraient l'être des responsables du maintien de l'ordre appelés à arbitrer entre les intérêts de la police et ceux de la population.
Si le Ministère de l'Intérieur et la police n'ont pas beaucoup appris des émeutes de 2005, ce n'est pas le cas de Nicolas Sarkozy. En nommant à des postes de forte visibilité des ministres issus de l'immigration, il a adressé un signe fort à la bourgeoisie issue de l'immigration et, au delà, à la population dont elle est issue. Elle a dorénavant sa place dans les institutions, et au tout premier plan. Plus même lorsque ces ministres sont attaqués, il n'hésite pas à prendre leur défense. Le rapprochement entre les émeutiers et cette bourgeoisie issue de l'immigration que l'on avait observé en 2005 (cette dernière prenant motif de ces émeutes pour faire avancer ses revendications) sera cette année plus difficile.
Des efforts ont également été réalisés du coté du financement dans ces banlieues, mais ils sont trop faibles (on est très loin du plan Marshall dont on a parlé), trop lents, trop dispersés et, surtout, mal orientés. Détruire des tours, agir sur le bâti, sur l'architecture est fausse bonne solution. Ces quartiers ont besoin d'être désenclavés (ce qui veut dire des transports en commun plus nombreux) et leurs habitants surtout les plus jeunes ont besoin de travail pour sortir de cette adolescence sans fin à laquelle le chômage les condamne.
Parmi ceux qui ont beaucoup appris de 2005, il y a :
- les élus, les maires, les associations présentes sur le terrain qui ont réfléchi individuellement et collectivement à ces émeutes et qui, droite et gauche confondus, s'attachent, aujourd'hui, à éviter qu'elles se reproduisent ;
- les familles qui tiennent, cette année, mieux leurs enfants, qui les contrôlent de manière plus serrée, ce qui explique, sans doute, que les émeutes n'aient pas, pour l'heure, essaimé ailleurs en France et qu'elles soient restées, Villiers le Bel, le fait de quelques dizaines de jeunes seulement,
- les émeutiers, qui ont appris à s'organiser de manière pratiquement militaire. La réflexion stratégique n'est pas réservée aux forces de police, les jeunes en sont également capables.
Pour tous ces motifs, 2007 ne ressemble pas à 2005.
Un blog créé à l'occasion de la sortie de mon livre Banlieues, insurrection ou ras le bol, pour discuter de ce qui s'est passé en novembre 2005
28 novembre 2007
Inscription à :
Articles (Atom)